« Tout est accompli » s’est exclamé Jésus sur la croix avant de rendre l’âme. Heureux l’homme qui peut en dire autant au terme de sa vie. Mais qui, à l’heure actuelle, est encore disposé à prendre sa croix et œuvrer, contre vents et marées, à tout ce qu’il doit accomplir ?
Les Chrétiens eux-mêmes, tout à leur joie pascale, ne seraient-ils pas tentés de penser que ce « tout est accompli », parce qu’infiniment admirable, ne les concerne pas personnellement ? Pourtant, chacun d’entre eux ne doit-il pas s’efforcer d’imiter le Christ ? Chacun n’est-il pas censé incarner la Révélation dans ses moindres actes, au quotidien, afin d’être un authentique ouvrier de paix ? Or, quand on voit l’état du monde comme il va, mal, très mal, puisqu’il va vers la guerre, peut-être la « der des der » — vu qu’elle sera atomique — on se dit que les hommes ont encore beaucoup à accomplir pour être dans le droit fil de l’accomplissement christique. Autrement dit, il semble que le combat pour la paix manque de bras, de langues et, sans doute de cœurs. Alors que chacun devrait y prendre part. Je confesse être affreusement en retard de ce point de vue. Mais on dirait que je ne suis pas le seul...
Ainsi, n’êtes-vous pas frappés par l’affligeant silence de l’immense majorité de nos politiciens au sujet du génocide palestinien à Gaza ? N’êtes-vous pas saisis d’effroi en observant le suivisme des mêmes politiciens qui restent cois et dans le rang alors même que nos gouvernants font le choix d’aller vers la guerre plutôt que vers des négociations de paix en Ukraine ? N’engagent-ils pas toujours davantage la France dans une cobelligérance insensée contre la Russie ? N’êtes-vous pas dévastés par l’absence de protestation et la docilité du bon peuple de France qui, par son silence, consent aux atrocités en cours et à venir, celles qui anéantiront le pays et ses habitants ?
Comment en sommes-nous arrivés là ?
C’est précisément LA question à se poser à Pâques, parce que « tout est accompli » signifie que la Révélation est accomplie. La violence collective a cessé d’être une solution. Elle n’apporte plus la paix. Car ce que la Passion a donné à voir au monde et qu’il n’a manifestement pas encore intégré, c’est que, partout et toujours, les foules de persécuteurs sont formées par des personnes qui, parce qu’elles se pensent « innocentes » croient bon et juste d’employer cette violence qui, à tout moment, risque de nous emporter.
Observons que, nous, les « Occidentaux », pensons qu’avec la démocratie, les droits de l’Homme, etc., nous sommes le « camp du bien », nous sommes les bons, nous sommes innocents, car tellement bien intentionnés. De sorte que tous nos ennemis sont, forcément, des êtres « mauvais », œuvrant dans l’axe du mal et nous sommes fondés à les anéantir sous un tapis de bombes, comme nous avons fait avec l’Afghanistan, l’Irak ou la Libye par exemple. Et, comme évoqué plus haut, il n’y a pas seulement ce que l’on fait, il y a aussi ce que l’on ne fait pas, quand on reste silencieux au lieu d’être témoins de la vérité.
Ainsi, l’Occident n’a-t-il pas, pendant plus de 70 ans, fermé les yeux sur les transgressions permanentes des lois internationales par Israël comme sur les violences innombrables et innommables faites aux Palestiniens ? Le secrétaire général de l’OTAN n’a-t-il pas, en mai 2023, déclaré au Washington Post que « La guerre en Ukraine a fondamentalement changé l'OTAN, mais il ne faut pas oublier que la guerre n'a pas commencé en 2022. La guerre a commencé en 2014 » ? Autrement dit, c’est l’OTAN, bras armé du « camp du bien » qui est à l’origine de la crise ukrainienne et ne pas le dire c’est être complice d’une machination qui va nous détruire.
Il a été dit « La vérité vous rendra libre », oui, mais encore faut-il être décidé à la regarder en face au lieu de l’enterrer. Quand nous accepterons de comprendre que nous sommes tous coupables et que nul n’est en position de jeter la pierre à quiconque alors, seulement, la paix aura une chance. L’Occident n’est pas moralement en position de faire une guerre à quiconque, surtout pas préemptive, surtout pas humanitaire, etc. L’Occident n’est pas le camp du bien ; c’est un euphémisme.
Mais le (géo)politique n’est jamais que la caisse de résonance de nos esprits tourmentés. Car la vérité évangélique, c’est aussi et surtout dans notre quotidien qu’il s’agit de la vivre. Et là, soyons honnêtes, c’est le même chaos ! Ainsi, passé le temps des fêtes pascales, ce sera le moment de reprendre sa croix, en toute modestie, en toute conscience de ce qu’on a fait des travers, en se disposant à reconnaître sans détour là où on n’a pas été bon, là où on était responsable, fautif, etc. Nous pourrons alors être d’authentiques ouvriers de paix, des ouvriers sachant que c’est d’abord sur eux qu’ils ont à travailler et quand nous aurons achevé ce travail, alors seulement nous pourrons dire à notre tour « tout est accompli ! »
Luc-Laurent Salvador
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