Par The Saker – Le 2 août 2022 – Source The Saker’s Blog
Il semble donc que Pelosi ait atterri à Taïwan. C’est une ÉNORME victoire pour les invincibles États-Unis ; la Chine, avec toutes ses menaces creuses, a maintenant perdu la face. C’est ainsi que sont ces méchants communistes, ils ne comprennent que le langage de la force, et lorsqu’ils sont confrontés aux forces unies de la démocratie, ils cèdent.
N’est-ce pas ?
Pas vrai ?!
Et bien……
Oui, si votre expertise en matière de relations internationales, de questions militaires et de Chine (ou de Russie) provient de la lecture des livres de Tom Clancy, alors oui.
Mais il y a une autre façon de voir les choses :
Premièrement, en termes objectifs, cette visite est une pure provocation sans le moindre avantage pratique. Pelosi est autant une vieille sorcière lisant son téléprompteur que le président Brandon [Biden, NdT]. Quelles que soient les sujets importants dont les États-Unis et Taïwan devaient discuter, ils auraient pu le faire soit à distance, soit en organisant une réunion entre des personnes capables de réfléchir.
Deuxièmement, tout comme la Russie à de nombreuses reprises dans le passé, les Chinois ont tracé une ligne rouge et ont laissé les États-Unis la franchir. La civilisation narcissique qu’est l’Occident n’y a vu qu’un signe de « faiblesse« , d' »indécision » ou même de « naïveté« . Ce à quoi ces gens ne pensent même pas, c’est à ceci : comment pensez-vous que la plupart des Chinois vont réagir à la fois à la visite et à l’absence de réaction chinoise (jusqu’à présent !)? Ils vont se mettre en colère et exprimer leurs frustrations. Maintenant, voyez cela du point de vue du gouvernement chinois : au lieu de dépenser des milliards en propagande anti-américaine, ils laissent les États-Unis humilier la Chine et renforcent la détermination de la population chinoise pour le jour où la véritable confrontation aura lieu.
Note de l’auteur
Il existe un lien direct entre des années de protestations plutôt faibles et essentiellement verbales de la part du Kremlin et l’apparition « soudaine » de l’ultimatum russe à l’Occident suivi de l’Opération Spéciale : le Kremlin a littéralement « cuisiné » sa propre opinion publique au point qu’elle *exigeait* une action forte. Loin d’aliéner ou d’effrayer la plupart des Russes, l’OMS a été un énorme soulagement pour eux : « nous mettons ENFIN la main au fourneau et prenons des mesures concrètes ». Cela n’aurait pas été possible avant 2018. Ceux qui, en Occident, ont vu « l’indécision » de Poutine ne comprennent tout simplement pas la mentalité russe, pas plus qu’ils ne comprennent celle de la Chine. En termes simples : vous ne pouvez pas vous préparer à la guerre sans y préparer votre propre population ! C’est ce que Tom Clancy fait aux cerveaux de ceux qui le lisent).
Troisièmement, laissez-moi vous poser une question simple : qui a décidé du moment de la visite de Pelosi à Taïwan ? La réponse est évidente, ce sont les dirigeants des États-Unis. Et vous pouvez parier qu’ils avaient tout prévu pour que cette visite se déroule dans les meilleures circonstances possibles. Or, un principe de base de la guerre est de ne PAS laisser l’ennemi choisir le moment et le lieu de la bataille. Oui, oui, oui, dans la culture occidentale, tout « affront » (réel ou perçu) exige une réaction immédiate. Mais les Chinois font cela depuis des millénaires, pas seulement depuis 200 ans, et ils savent mieux et vous pouvez être sûrs que ce sont EUX, et non les États-Unis, qui choisiront le moment, le lieu et le mode de riposte.
En résumé, les narcissiques qui dirigent les États-Unis peuvent se réjouir de la façon dont ils ont montré aux « cocos chinois » qui sont les patrons. Tout comme ils l’ont fait avec la Russie entre 1991 et 2021. Et ensuite, quand les Russes ont décidé d’agir, l’oncle Shmuel a été pris totalement au dépourvu et n’a pas su comment traiter avec cette menace soudaine et directe.
Dernier point mais non le moindre. Ce genre d’arrogance impériale n’a pas seulement un impact sur la population chinoise, déjà passablement en colère, mais elle rend également furieuse toute la zone B, créant ainsi les conditions de nouvelles défaites pour les États-Unis en Asie, en Afrique, dans le sous-continent indien, en Asie centrale et en Amérique latine.
La plupart des Américains n’ont absolument aucune idée à quel point leur arrogance condescendante, leur agitation constante du drapeau, leurs discours sur leur mission messianique pour l’humanité et leur narcissisme général sont offensants pour le reste de la planète. Mais lorsque vous regardez objectivement la liste interminable des échecs des États-Unis à peu près partout sur la planète, vous pouvez dire qu’il y a quelque chose de profond qui se passe ici. Pour une bonne raison, le « Yankees go home » semble être très contagieux.
Je pense que Nancy Pelosi mérite notre profonde gratitude. Elle devrait recevoir au moins deux médailles :
- Une du Parti Communiste chinois, en remerciement de ses efforts incessants pour rallier le peuple chinois autour de son gouvernement et
- Une de la Russie, pour ses efforts incessants en vue de solidifier l’alliance russo-chinoise.
En vérité, avec Bliken et Pelosi, les intérêts de sécurité nationale chinois et russes sont entre de bonnes mains
Andrei
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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